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Les elites de la Republique [French]
Les lites de la troisime Rpublique sont demeures longtemps des inconnues de l'histoire. Pourtant quelques-unes de leurs principales figures ornent, statues muettes, les places publiques, leurs noms baptisent les grandes artres des villes, leurs bustes ou leurs portraits trnent tristement dans les salles solennelles ou les couloirs des institutions. Elles ne sont plus que les prtextes de rituels acadmiques commmoratifs, victimes du tri de la mmoire qui isole les grands hommes de leurs catgories d'origine et instaure cette perspective tronque qui rend incomprhensibles les uns comme les autres. Pour rompre le cercle magique de la pit que les lites se vouent ellesmmes, il fallait donc transformer ces listes d'inconnus ou ces hros ponymes en groupes vivants et agissants, puisque, aprs tout, ces quelques milliers de personnes dtenaient l'essentiel des leviers de commande de la socit franaise ou laboraient les tendances dominantes de la culture de l'poque. 1880 : alors que Gambetta a annonc ds 1872 l'arrive des nouvelles couches , la conqute dfinitive du pouvoir par les rpublicains fait penser aux contemporains qu'on a rompu avec le monde des notables et des classes dirigeantes. 1900 : les nouvelles lites occupent les sommets de l'tat, pntrent dans les grandes affaires, ont pur l'administration et rform les universits et l'enseignement primaire. Pourtant, les crises se succdent, l'affaire Dreyfus en dernier lieu, qui montrent la fragilit et les divisions de ces nouvelles lites contestes par les intellectuels , mais aussi par de nouvelles forces politiques : anarchisme, socialisme, nationalisme qui contestent la Rpublique bourgeoise . La biographie collective qui reconstitue les itinraires publics et privs, les alliances, les styles de vie, les stratgies familiales et les rivalits de corps permet de comprendre les ruptures et les continuits des lites de la Rpublique, pourquoi elles ont su redonner la France son lan aprs la plus grande crise du XIXe sicle, celle de 1870 -1871, mais pourquoi aussi, trop timides dans certaines rformes, elles restent traverses par de nouvelles tensions et fractures, grosses de l'effondrement de 1940. Cette nouvelle dition d'un ouvrage de rfrence tient compte des travaux des deux dernires dcennies et propose une postface qui le rinsre dans la lecture politique, sociale et comparative de la France contemporaine labore au fil des travaux ultrieurs de l'auteur : Naissance des intellectuels (1990), Histoire sociale de la France au XIXe sicle (1991), La Rpublique des universitaires (1994), et La Crise des socits impriales (2001). Christophe Charle, professeur l'universit de Paris-l-Panthon-Sorbonne, membre de l'Institut universitaire de France (chaire d'histoire compare des socits europennes), dirige l'Institut d'histoire moderne et contemporaine (CNRS/ENS).